
La photographie : notre empreinte sur la nature
Immortaliser une espèce sauvage, quelle qu’elle soit, dans son milieu naturel, sans aucun artifice, revient à écrire une histoire unique, que nous transmettons aux autres. Nous vous invitons donc à témoigner de la richesse de notre patrimoine naturel avec une empreinte la plus respectueuse et sincère possible.
La photographie est devenue une passion prenante où les compétences du naturaliste et du photographe s’entremêlent et se complètent. J’avais trouvé un sens à cette activité : faire de mon boitier un précieux allié pour sensibiliser le grand public.
J’ai appris que la résilience, la persévérance et la patience sont des vertus indispensables pour réaliser une photographie d’une espèce sauvage dans son milieu naturel avec le moins de dérangement possible.
Bien qu’insatisfaite de ne pas toujours réussir la photo escomptée, je ne suis jamais rentrée bredouille, au contraire. Je n’ai jamais ressenti l’ennui pendant les heures d’affût, en revanche les membres endoloris oui. J’apprécie toujours ces instants de solitude, de calme, qui permettent malgré tout de faire des observations tout autant inopinées.
Au début, je me suis souvent interrogée sur les conséquences de la publication de mes clichés. Entre leur visibilité et leur style photographique, je me suis intéressée aux pratiques des autres en souhaitant me perfectionner. J’ai alors été consternée de découvrir certaines habitudes de quelques photographes pour parvenir par tous les moyens à réussir leur photo.
C’est ainsi qu’est née une amertume, une indignation menant à un combat que je conduis dès lors pour une démarche éthique de cette activité. Malgré toutes les bonnes volontés, un photographe laissera toujours une trace, une empreinte sur la nature : la végétation abimée, une odeur pouvant perturber, un habitat comme une pierre déplacée... Cependant, cette empreinte peut être plus ou moins marquante et dommageable.
Quoiqu’il en soit, elle doit être la plus minime possible.
Conséquences et dérives : notre empreinte sur la nature
Aujourd’hui, l’évolution de la technologie des boitiers réflex-hybride, des drones de loisir, a permis une accessibilité facilitée au plus grand nombre. Cependant, en facilitant l’accès à ce matériel, les risques d’accroitre les dérives sont devenus plus importants. En particulier, ce phénomène a conduit à une sur fréquentation de certains espaces naturels par les photographes amateurs, occasionnant d’autant plus de dérangements.
Or, certains photographes n’ont pas la moindre conscience de leur impact sur la faune et la flore. Ils reproduisent bien souvent ce qu’ils voient sur les réseaux sociaux sans en mesurer les conséquences. Pour illustrer ces propos, voici relatés ci-dessous quelques exemples vécus lors de sorties de terrain par les naturalistes de l’équipe du Conservatoire d’espaces naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur. • Un photographe, descendu dans un ruisseau pour prendre en photo un amphibien, a malencontreusement effrayé et stressé l’animal, mais aussi détérioré son habitat
• Un photographe voulant réaliser le cliché d’un petit insecte, a piétiné en même temps de jeunes pousses d’Aristoloche, plante hôte indispensable au papillon « La Diane » (espèce protégée déterminante ZNIEFF et sur Liste rouge)
• Un photographe qui, dans l’espoir de prendre une photo d’Aigle de Bonelli au nid, braque son appareil dessus à faible distance et empêche le parent de venir nourrir son aiglon.
• Un photographe qui coupe des branches juste autour d’un nid d’Aigle royal très accessible pour obtenir une meilleure visibilité sur le nid, entraînant l’abandon par les parents du jeune poussin qui mourra. Ces deux derniers exemples sont particulièrement choquants et préoccupants.
S’agit-il d’un besoin de reconnaissance, couplé à de l’inconscience et à de la satisfaction purement personnelle, qui engendre de tels comportements ?
Ces méthodes sont inacceptables. Où retrouvons nous l’intégrité et l’honnêteté entre la « tricherie » de l’animal empaillé que l’on revendique vivant, à la capture, à la congélation pouvant entraîner la mort ?
Avoir recours à de tels procédés exige de réfuter toute éthique et une absence totale de moralité. Ils engendrent un stress énorme, perturbent le comportement naturel des animaux sauvages comme la prédation, l’alimentation avec le risque de dépendance lors de l’appâtage, le recours à des dépenses énergétiques inutiles, leur interaction sociale, leur reproduction, etc. L’issue peut même leur être fatale.
Alors certes, nous obtiendrons une image parfaite, avec une proximité et un comportement exceptionnel, mais que racontent les coulisses de cette photographie ?
Ces pratiques éclaboussent l’ensemble des photographes, créant ainsi des amalgames. Par conséquent il est important de réagir et de s’unir en diffusant ensemble la bonne déontologie.
Laisser l'imperceptible
Je veux pouvoir raconter cette émotion au détour d’une rencontre avec un animal sauvage. Quel sens et quelle histoire y aurait-il à raconter lors de la réalisation d’une photo prise avec des moyens peu scrupuleux ? Quelle satisfaction personnelle en dehors de cette reconnaissance individualiste auprès de nos semblables ? Quelle crédibilité lors d’explications de la prise de vue d’un animal congelé, mort, imprégné, ou empaillé ? Où est l’émerveillement ? Où est la sensibilisation basé sur ce tissu de mensonges ?
Il faut avoir conscience qu’avec cette activité nous pouvons marquer irrémédiablement la nature en mal comme en bien.
Ma récompense, je ne la trouve pas dans la popularité de mes photos sur les réseaux sociaux ou auprès de mes pairs.
L’accomplissement de ma passion s’opère lorsque je suis contactée par un collège, un lycée, une médiathèque, une mairie, qui me sollicitent pour exposer mes photos et intervenir auprès des jeunes, du grand public pour leur expliquer l’intérêt d’être photographe animalier, l’intérêt que nous portons à observer la nature et à contribuer à sa protection grâce à cette activité.
Immortaliser une espèce sauvage, quelle qu’elle soit, dans son milieu naturel, sans aucun artifice, revient à écrire une histoire unique, que nous transmettons aux autres. Nous vous invitons donc à témoigner de la richesse de notre patrimoine naturel avec une empreinte la plus respectueuse et sincère possible.

